Article n° 213, publié le 2-Décembre-2023, par Christophe.
Catégorie(s) : conseils aux voyageurs, science & culture.
L'article précédent invoquait dans sa conclusion la cité de Carcassonne, ville qui a subi un siège de la part des croisés contre les hérétiques cathares (à ne pas confondre avec les hérétiques que des ayatollahs de l'écologie voudraient aussi envoyer au bûcher, en utilisant les réseaux sociaux pour organiser l'inquisition contre tous ceux qui refusent d'adopter leur mode de vie : plus de vacances et plus de loisir car on reste chez soi à cultiver son jardin bio collectif !). Après le siège victorieux de Carcassonne en 1209, Simon IV de Montfort est nommé à la tête de la croisade des Albigeois et commence alors à attaquer tout un tas de châteaux de la région qui abritaient des Cathares, ceux que l'on appelle aujourd'hui les châteaux cathares. Mais peu des tas de pierres encore visibles aujourd’hui datent de l’époque des Cathares car ces châteaux ont largement été remodelés ensuite par les rois de France, pour se protéger des Espagnols jusqu'au traité des Pyrénées au XVIIe siècle... Par exemple, inutile de chercher les traces du trésor cathare dans les ruines de la forteresse de Montségur car après la prise de cette place forte, l'enceinte fortifiée extérieure a entièrement été rasée et le castellum a été réaménagé pour abriter une petite garnison. Ce sont les ruines de cette reconstruction qui sont visibles aujourd'hui, pas le château cathare du XIIIe siècle (inutile aussi d'y chercher le Graal, la coupe dans laquelle Joseph d'Arimathie aurait recueilli le sang du Christ, car Indiana Jones l'a retrouvé à Pétra, après avoir franchi la porte du Khazneh). Bref, que les pierres datent de l'époque cathare ou d'un peu plus tard, ça fait quelques tas de pierres à visiter dans l'Aude et l'Ariège. En voici une sélection :
Note importante : les distances sont indiquées à vol d'oiseau, depuis le centre de la cité de Carcassonne !
➜ Aguilar : situé 47 km au sud-est de Carcassonne, perché au sommet d'une colline de presque 300 mètres d’altitude, ce château, assez ruiné, est remarquable par sa double enceinte construite au début du XIVe siècle. Ce château n'a pas subi de siège pendant la croisade des Albigeois car son châtelain, Olivier de Termes, l'a remis au roi de France, Louis IX (alias Saint Louis), en 1241 avant de le récupérer en guise de récompense pour son «bon» comportement en Terre Sainte et de le revendre à Louis IX en 1262. Ce château fait alors partie du système de défense de la frontière entre la France et l'Aragón après le traité de Corbeil de 1258 (ce traité a fixé la frontière entre les deux royaumes au sud des Corbières) mais il a été pris en 1398 par des routiers (pas sympas ; c'étaient des mercenaires vivant de larcins en période de paix), repris dans la foulée par l'armée du roi d’Aragón, rendu ensuite au roi de France, avant d'être assiégé en 1543 par une garnison d'Allemands à la solde de Charles Quint (celui qui a défiguré l'Alhambra de Grenade et la Mezquita de Cordoue), re-rendu à François 1er en 1544 et finalement abandonné après la signature du traité des Pyrénées (ce traité a fixé la frontière entre la France et l'Espagne sur la ligne de crête des Pyrénées), sans jamais être restauré par la suite...
➜ Quéribus : situé 46 km au sud-est de Carcassonne, perché sur un étroit piton rocheux à plus de 600 mètres d’altitude, ce château est remarquable par son impressionnant donjon s'élevant au-dessus de la plaine du Roussillon, face au Canigou. Le château cathare est tombé aux mains des croisés en mai 1255 après seulement 3 semaines de siège. Les rois de France le modifient alors et il devient une forteresse royale servant à défendre la frontière entre la France et l'Aragón après le traité de Corbeil de 1258 (en 1473, la forteresse est assiégée et prise par l'armée du roi d'Aragón). En 1659, le château perd son intérêt stratégique lors de la signature du traité des Pyrénées. Il est alors quasiment laissé l'abandon, avant d'être restauré entre 1998 et 2002.
➜ Peyrepertuse : situé 40 km au sud-est de Carcassonne (proche du château de Quéribus), perché sur une crête rocheuse à plus de 700 mètres d'altitude, ce château est remarquable par sa localisation au-dessus d'une abrupte falaise et son étendu (cette forteresse comporte deux donjons distincts). Ce château n'a pas subi de siège pendant la croisade des Albigeois car son châtelain, Guillaume de Peyrepertuse, seigneur cathare, s'est soumis à Louis IX après le siège de Carcassonne et le château est vendu au roi de France en 1239. Le château est alors renforcé par l'adjonction du donjon «Sant Jòrdi» en 1250 et il devient une forteresse royale servant à défendre la frontière entre la France et l'Aragón après le traité de Corbeil de 1258. A la signature du traité des Pyrénées, le château est déclassé mais il reste néanmoins occupé par une faible garnison. Cependant, il est finalement abandonné après la Révolution française (et a certainement servi de carrière de pierres, ce qui explique son état assez ruiné aujourd'hui).
➜ Puilaurens : situé 45 km au sud de Carcassonne, perché sur un piton rocheux à plus de 640 mètres d’altitude, ce château est remarquable par ses remparts crénelés et sa tour de la Dame Blanche abritant une belle croisée d'ogives. Ce château, bien qu'ayant hébergé des parfaits cathares, ne semble pas avoir été assiégé par les croisés mais il a tout de même été remis à Louis IX en 1255, après la chute de Quéribus. Il devient alors une forteresse royale servant à défendre la frontière entre la France et l'Aragón après le traité de Corbeil de 1258. Des Aragonais arrivent toutefois à prendre ce château en 1636 (la moitié de la garnison de Puilaurens étaient alors à Port-Leucate) mais en 1659, le château perd son intérêt stratégique lors de la signature du traité des Pyrénées. Bien qu'une faible garnison l'occupe encore quelques temps, il est définitivement abandonné à la Révolution française, avant d'être restauré entre 1993 et 1996.
➜ Puivert : situé 40 km au sud-ouest de Carcassonne, perché au sommet d'une colline à 680 mètres d’altitude, ce château est remarquable par son imposante porte d'entrée et son donjon très bien conservé. Ce château, dont le châtelain était un seigneur cathare, a subi un siège de 3 jours et 4 nuits par l'armée de Thomas (dit Pons) de Bruyère, lieutenant de Simon IV de Montfort en novembre 1210. Au XIVe siècle, Thomas de Bruyères, petit-fils de Pons (bin oui, ce n'était pas Highlander, le premier Thomas de Bruyère n'a pas vécu plus de 100 ans) fait construire le nouveau château sur l'emplacement du château du XIIe dont les vestiges sont toujours visibles aujourd'hui.
➜ Montségur : situé 57 km au sud-ouest de Carcassonne, perché sur un piton rocheux à plus de 1.160 mètres d’altitude, ce château est remarquable pour son histoire : la forteresse cathare a subi 4 sièges de la part des croisés, dont un seul s’est couronné de succès ! Première tentative en 1212, par Guy de Montfort. Seconde tentative en 1213 par Simon IV de Montfort (le frère de Guy). Troisième tentative en 1242 par Raymond VII de Toulouse, sur l'ordre de Louis IX et enfin, en mai 1243, quatrième tentative par Hugues des Arcis, sur ordre de Louis IX et Blanche de Castille : 6.000 hommes contre une garnison de 70 hommes qui défendaient le château. Le 1er mars 1244, Pierre-Roger de Mirepoix négocie la reddition de la place forte après un siège de dix mois ! Après la prise de la forteresse, les restes du village cathare et l'enceinte fortifiée extérieure sont rasés mais le castellum est réaménagé pour abriter une garnison d'une trentaine d'hommes jusqu'au traité des Pyrénées.
➜ Usson : situé 57 km au sud-ouest de Carcassonne, perché sur un éperon rocheux à presque 900 mètres d’altitude, ce château, assez ruiné, est remarquable par son donjon pentagonal. Bien qu’ayant fait allégeance à Simon IV de Montfort, son châtelain, Bernard d’Alion, protège les Cathares pendant la croisade des Albigeois et il envoie même des soldats lors du siège de Montségur en 1244 pour soutenir la forteresse cathare, ce qui lui vaudra d’être condamné pour hérésie en 1259 et de finir au bûcher à Perpignan. Le château est finalement démantelé en 1638 sur ordre de Richelieu (sans que les 3 mousquetaires ne l’aient protégé, c’est bien triste ).
➜ Roquefixade : situé 58 km au sud-ouest de Carcassonne, perché sur un piton rocheux à plus de 800 mètres d’altitude, ce château, très ruiné, est remarquable par sa position au-dessus de village éponyme. En 1212, Simon IV de Montfort prend le château et en 1272, le roi de France, Philippe le Hardi le saisit au dépend du comte de Foix, Roger-Bernard III. Le château devient alors une forteresse royale et fait partie du système de défense la frontière entre la France et l’Aragón. En 1463, Louis XI le restitue au comte de Foix, Gaston IV. Finalement, après des modifications au XVe et XVIe siècles, le château est détruit en 1632 sur ordre de Louis XIII.
➜ Foix : situé 67 km au sud-ouest de Carcassonne, perché sur un éperon rocheux dominant la ville de Foix, ce château, en très bon état, est remarquable par ses donjons rectangulaires et sa tour ronde. Au XIIIe siècle, le comté de Foix a subi quelques attaques de la part des croisées mais le château ne fut jamais inquiété car il n’a pas servi de refuge pour les Cathares. En 1214, le château est d’ailleurs remis au légat du pape en guise de soumission (les portes du château sont alors grandes ouvertes pour Simon IV de Montfort). Bien après, Richelieu a encore failli faire des siennes en ordonnant sa démolition (mais les 3 mousquetaires ont dû s’en mêler car la décision du ministre de Louis XIII n’a finalement pas été appliquée, ouf...) et au XVIIIe et au début du XIXe siècle, le château est devenu une prison avant d’être restauré par un ancien collaborateur de Viollet-le-Duc qui voulait revenir au monument médiéval (ou une interprétation assez libre de son hypothétique état au Moyen Age ; encore un olibrius qui pensait avoir la science infuse, sans réelle connaissance historique). C’est cette restauration quelque peu artistique (mais néanmoins très photogénique) que l’on peut contempler aujourd’hui !
➜ Carcassonne : en 300 avant J.C., les Volques Tectosages avaient possession de la région et ont fortifié l’oppidum de Carcasso. Puis, en 122 avant J.C., les Romains intègrent la cité dans la Gaule Narbonnaise et fortifie à nouveau l’oppidum (des parties des remparts romains sont encore visibles aujourd’hui). Les Wisigoths deviennent ensuite maîtres de la cité jusqu’en 725, année où les Musulmans s’en emparent (cet épisode a inspiré la légende de Dame Carcas au XVIe siècle, donc bien après). En 759, Pépin le Bref reprend la cité et commence alors l’expansion de la ville et de ses fortifications. En 1209, le pape (pas très) Innocent III appelle les barons du nord du royaume de France à monter la croisade des Albigeois. Le 1er août 1209, la cité est assiégée par les croisés et Raimond-Roger Trencavel, seigneur de la cité, se rend le 15 août. Simon IV de Montfort devient alors le seigneur des lieux et prend la tête de la croisade. En 1218, il meurt au cours du siège de Toulouse et son fils, Amaury VI de Montfort, récupère la cité avant de la céder au roi de France, Louis VIII. En 1224, Raimond II Trencavel reprend possession de la cité mais il doit fuir devant la seconde croisade lancée par Louis VIII en 1226. En 1240, Raimond Trencavel mène à nouveau un siège pour reprendre la cité mais la garnison résiste efficacement. Raimond Trencavel est alors obligé de fuir avant l’arrivée des renforts envoyés par Louis IX qui avait ordonné la construction de la deuxième enceinte. La cité qui fait maintenant partie du système de défense de la frontière entre la France et l’Aragón, constitue un poste arrière pour les châteaux de Peyrepertuse, d’Aguilar, de Quéribus, de Puilaurens et de Termes, désignés comme les «cinq fils de Carcassonne». En 1659, la cité de Carcassonne perd sa position stratégique à la suite de la signature du traité des Pyrénées et commence alors son déclin. Après avoir servie de carrière de pierres, la cité est sauvée au XIVe siècle par Napoléon III qui approuve le projet de restauration de Viollet-le-Duc, artiste-architecte à la science historique infuse (mais la plus belle cité fortifiée de France a été sauvée de la destruction, c’est au moins ça).
Visiter ces châteaux, à l'exception de la cité de Carcassonne ou du château de Foix, ne peut quasiment se faire qu'en voiture (ou en moto, bref, un moyen motorisé de préférence par un moteur à combustion interne car les prises de recharges électriques sont rares, mais pas totalement absentes, dans les environs de ces châteaux), avec bien évidemment une petite marche à pied sur un chemin plus ou moins escarpé après le parking ! En transport en commun (bus ou train), il est en effet assez difficile de rallier des châteaux comme Peyrepertuse ou Aguilar sans avoir une bonne marche à pied au final, en empruntant par exemple le Sentier Cathare qui relient quasiment tous ces châteaux (sentier que les plus courageux pourront parcourir dans sa globalité : 250 km entre Port-la-Nouvelle et Foix, mais sans passer par Carcassonne). Que ce soit à pied, ou en vélo, il convient de rappeler que les petites routes reliant ces châteaux sont pentues dans les Corbières ou les Pyrénées (et qu'un vélo à assistance électrique qui pourrait soulager le cycliste d'un effort important dans les montées, n'a une autonomie guère plus importante qu'une cinquantaine de kilomètres) et qu'en été, il peut faire très chaud dans les Corbières ! Mais qu'importe le moyen de locomotion : ces sites sont remarquables, à la fois pour le côté historique mais aussi pour le côté nature car ces châteaux sont souvent bâtis sur des pitons rocheux d'où l'on jouit d'un magnifique panorama sur la nature environnante !
PS-1 : Pour découvrir d'autres photos des châteaux cathares, suivez ce lien : https://www.amvdd.fr/php/photo.php.
PS-2 : Le château de Castelnaud en Dordogne n'est pas à proprement parlé un château cathare, pourtant son châtelain, Bernard de Casnac, était un seigneur cathare et son château a été assiégé et pris en 1214 par Simon IV de Montfort à la tête de la croisade des Albigeois.
PS-3 : Les curieux en visite dans les environs de Quéribus, Peyrepertuse et Aguilar (donc aussi les environs de Leucate) pourront aussi visiter la forteresse de Salses. Elle n'a aucun lien avec les Cathares, mais celle-ci représente une véritable révolution dans l'architecture militaire dont Vauban s'est ensuite largement inspiré. Cette forteresse en briques est vraiment très impressionnante !
PS-4 : Pour continuer la visite des châteaux cathares cités précédemment, les curieux pourront aussi se rendre aux châteaux de Termes, Villerouge-Termenès, Arques, Padern, Lastours et Saissac !