Article n° 150, publié le 6-Octobre-2018, par Christophe.
Catégorie(s) : conseils aux voyageurs.
Sur internet, nombreux sont les articles ou blogs entiers traitant de la randonnée pédestre (c'est-à-dire une activité où il faut marcher au-delà d'un rayon de 50 mètres autour d'un véhicule ; je sais, ça paraît irréaliste pour certains, mais oui, certaines personnes osent s'éloigner autant d'un véhicule). Tous ces sites traitent de la sécurité en randonnée qui se déroule souvent en montagne (en plus des 50 mètres d'éloignement d'un véhicule, le randonneur devra aussi gravir une pente qui le fera monter bien plus haut que la tour Eiffel, sans ascenseur ; c'est ahurissant, n'est-ce pas ?), mais cela n'empêche pas qu'il nous arrive de croiser trop souvent des gens dont l'équipement en randonnée est loin d'être adapté, en particulier sur les sentiers de l'Ile de la Réunion ou de la Soufrière en Guadeloupe : ce n'est pas parce que la température ambiante est 20 à 30 °C plus chaude que dans les Pyrénées, que les règles élémentaires de sécurité doivent être négligées ! Et comme j'aime me sentir l'âme d'un Don Quichotte : «Sus à la tong !»
Commençons par une petite histoire malheureusement bien vraie : en 2000, aux chutes des Trois Carbets en Guadeloupe, sur un étroit sentier à flanc de montagne, alors que nous venions juste de découvrir une tong abandonnée et engluée dans la boue extrêmement collante du sentier, nous avons croisé un groupe de vacanciers, en tongs, qui nous ont demandé l'état du sentier. Anne-Marie leur avait alors fait remarquer qu'ils risquaient de se faire mal avec leurs tongs mais leur réaction avait été assez agressive ! Bien évidemment, chacun fait ce qu'il lui plaît : libre à chacun de se fouler une cheville mais les secours mobilisés plusieurs heures pour secourir des inconscients en tongs, pourraient être plus utiles sur un accident grave (et vu comment roulent les Guadeloupéens et les Réunionnais, l'accident grave sur la route est vite arrivé). Alors, ne soyez pas égoïste : foulez-vous la cheville devant la porte des urgences d'un hôpital ou portez des chaussures adaptées en montagne, même en Guadeloupe, en Martinique ou sur l'Ile de la Réunion.
Reste maintenant à définir ce qu'est une chaussure adaptée ! Pour un Mafatais, c'est-à-dire un Réunionnais habitant dans le cirque de Mafate, la savate deux doigts (la tong) est adaptée car il la porte 365 jours par an pour sillonner à pied, le cirque de Mafate (où il n'y a aucun véhicule). Mais pour un métropolitain qui ne parcourt à pied que 10 mètres par jour, 355 jours par an, au mieux, ce n'est pas une chaussure adaptée, loin de là ! Pour ce métropolitain sédentaire, la chaussure de randonnée à tige haute conviendrait bien mieux, même s'il fait chaud et que ce n'est pas le genre que chaussures qu'on aimerait porter sous ces latitudes tropicales. Certes, Il existe des chaussures à tige basse, des chaussures de trekking ou de trail, plus aérées, mais il vaut mieux être très sportif et avoir la cheville bien souple pour s'aventurer ainsi chaussé sur une longue randonnée (c'est-à-dire avoir le profil du coureur de la diagonale des fous à la Réunion). Pour une balade de 3 ou 4 km, sans grand dénivelé, la chaussure de trekking peut suffire au randonneur occasionnel (c'est-à-dire faisant moins de 10 jours de marche par an), mais pour une randonnée de 800 mètres de dénivelé et de 15 km de marche, c'est une autre histoire. Les fois où j'ai manqué de me tordre la cheville (qui a été sauvée par une chaussure à tige haute), ont pratiquement toujours été au retour de randonnée, à 200 mètres du parking, sur un sentier bien large : j'étais fatigué et j'avais relâchée mon attention !
Second point important, la météo ! Le risque de se perdre dans un brouillard épais est très élevé (et une fois perdu, le risque de tomber dans une ravine en ayant emprunté un sentier inopportun est d'autant plus élevé) et le pourcentage de risque d'être dans le brouillard (ou les nuages) lors d'une randonnée sur les hauteurs de la Guadeloupe ou de la Réunion est quasi identique à 100 % en début d'après-midi (les nuages se forment dès la fin de matinée et recouvrent rapidement les hauteurs). C'est pour ça qu'il est recommandé de débuter une randonnée dès le lever du soleil, ce qui permet de profiter de 4 ou 5 heures de marche sans être dans le brouillard. Un second paramètre météorologique est aussi très important à prendre en compte dans ces îles : la pluie, la grosse pluie subite qui pourra, au mieux, détremper le chemin et le rendre très glissant, et au pire, l'emporter totalement (ou couper un guet). Ca devient alors vraiment gênant si vous êtes coincés en montagne pour la nuit, sans pouvoir rejoindre des habitations ! Même sur un itinéraire simple, sans danger apparent, il faut toujours faire attention à la météo.
Cela nous amène donc directement au point suivant : prévoir un vêtement chaud, dans un petit sac à dos ! Même si vous pensez faire toute votre randonnée par 28 °C à l'ombre, prenez un vêtement chaud (comme une polaire), ne vous contentez pas d'un short et d'un T-shirt léger. Ce sont des îles au milieu d'un océan et par conséquence, les prévisions météo ne peuvent pas être aussi fiables que dans l'hexagone. Pensez que vous pourriez vous retrouver coincé en altitude pour la nuit, à cause d'un effondrement ou d'un torrent en crue, avec une baisse de la température de plus d'une dizaine de degrés par rapport à la journée (même sous les tropiques, les températures peuvent baisser fortement la nuit). Bien évidemment, le coupe-vent imperméable doit accompagner la polaire (car une polaire bien trempée, dans le vent, ne sert à pas grand-chose). Il faut aussi prévoir une bonne réserve d'eau ! Il fait chaud, vous allez bien transpirer, donc beaucoup boire et inutile de compter sur les ruisseaux pour refaire le plein des gourdes : sous les tropiques, par 28 °C à l'ombre, les bactéries prolifèrent... (qui vous dit qu'en amont du ruisseau, un petit animal mort n'est pas en train de se décomposer dans le ruisseau ?). Penser bien évidemment aussi à prendre une barre de céréale, ou une banane, bref un truc à grignoter au cas où.
Le GPS (ou l'application sur smartphone) : il faut considérer ce gadget comme du confort car il ne faut pas oublier que ça tombe facilement en panne de piles ou de batteries (surtout un smartphone qui cherche désespérément le réseau GSM non présent en montagne et qui vide ses batteries à la vitesse grand V). Il est surtout important de noter que la réception des données en provenance des satellites GPS dans les profondes vallées étroites de la Réunion ou sous la canopée tropicale (en Guadeloupe ou Martinique), n'est pas forcément optimale et que par conséquence, votre localisation ne sera pas très précise (ce qui est gênant le long des remparts des cirques de la Réunion, à 5 mètres près, on se retrouve dans le vide). Pour les smartphones, leurs puces GPS sont bien moins performantes que celles des GPS de randonnée, la localisation dans les conditions précitées sera encore plus imprécise. Penser aussi à la manière dont l'application smartphone récupère les cartes de randonnée : si c'est par la 4G en direct, c'est comme si vous étiez perdus d'avance, vous ne pourrez pas revenir à la case départ, ni toucher les 20.000 euros ! Eh oui, ça serait déjà un exploit que vous ayez la réception GSM en haut de la Soufrière, alors pour la 4G, ça serait un miracle ! Il faut absolument pouvoir télécharger (et mémoriser) les cartes avant de partir en randonnée, sinon, votre belle application smartphone qui vous sert à publier vos exploits sur les réseaux sociaux ne vous servira à rien. Malgré toutes ces restrictions, dans le brouillard, un GPS, rien qu'en utilisant la fonction «trace», peut être bien utile, par exemple, pour éviter de se perdre dans l'enclos du piton de la Fournaise (même s'il suffit de suivre les mégots de cigarette pour éviter de se perdre ).
Donc, rien ne vaut mieux que la carte papier de randonnée (avec une boussole), à condition de savoir la lire, c'est-à-dire d'être capable de faire le lien entre les éléments reportés sur la carte (sommets, falaises, remparts, torrents, ravines, mais aussi routes, virages, croisements, ponts, etc...) et leurs positions réelles dans le paysage, et vice-versa (après ce n'est qu'un simple relevé de cap, avec la boussole, pour se repérer sur la carte). Il est important de noter que les arbres tropicaux dans le parc national de Guadeloupe sont hauts, très hauts et que par conséquence, sous leur canopée, c'est très difficile de repérer quoi que ce soit dans le paysage (et je n'ai même pas évoqué le cas de la forêt amazonienne en Guyane ). Cependant, comme il s'agit d'îles, cela signifie que depuis les hauteurs de ces îles, on peut généralement voir le rivage, les caps, les anses, des éléments du paysage simples à repérer sur une carte. Ne pas oublier que pour suivre sa route sur une carte de randonnée, il faut le faire très régulièrement, surtout quand on débute (ce n'est pas après avoir parcouru plusieurs kilomètres et bifurqué plusieurs fois qu'il faut se poser la question de sa localisation ; par conséquence, la carte de randonnée doit donc être très accessible et non pas enfouie au fond d'un sac à dos). Pour en revenir au GPS, ce récepteur peut être très utile avec une carte papier, en utilisant la fonction «trace» : on peut alors facilement reporter le parcours que l'on vient de faire (et tracée par le GPS) sur la carte papier (à condition d'avoir suivi un sentier indiqué sur la carte) pour savoir où l'on est.
Puis, il faut bien que je finisse par le plus important : oubliez la randonnue (randonnée naturiste), au cœur du parc national de Guadeloupe, même s'il fait plus de 28 °C à l'ombre de la canopée ! A moins que soyez masochiste et que les piqûres de moustiques et autres insectes vous fassent un bien fou... Et oui, c'est une manière humoristique (et bien lourde) de vous rappeler à prendre un répulsif anti-moustique avec vous ! Pour la Réunion, au pas de Bellecombe à 7 heures du matin, il n'y a pas de moustique en hiver austral, mais personne non plus pour tenter d'y randonner en tenue d'Adam et Eve !
Donc, en conclusion, que ce soit dans les Pyrénées, à la Soufrière, à la montagne Pelée ou au piton de la Fournaise, respectez les règles de sécurité élémentaires en randonnée ! Ne soyez pas égoïste, pensez aux secours qui vont devoir grimper avec un brancard pour vous secourir parce que vous vous obstinez à penser que «vacances sous les tropiques» signifient «tongs aux pieds», même sur les sentiers de randonnée ! Puis, surtout si vous êtes à la Réunion, oubliez vos tongs et vos journées à cramer sur la plage, et partez découvrir les hauteurs de l'île, sur les sentiers de randonnée, avec une paire de chaussures de randonnée à tige haute, une polaire, un coupe-vent imperméable et de l'eau !