Chaud devant !

Article n° 81, publié le 14-Mars-2015, par Christophe.
Catégorie(s) : science & culture.

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La plupart du temps sur un vol long-courrier, j'ai froid et franchement, je ne comprends pas pourquoi car l'avion est climatisé avec un système qui permet de réguler la température cabine au degré près (ou presque). L'équipage pourrait remonter la consigne de deux ou trois degrés mais ils ne le font pas pour d'obscures raisons qui m'échappent complètement ! Il est donc de mon devoir de leur expliquer comment fonctionne la climatisation dans un avion qu'on appelle aussi système de conditionnement d'air...

La climatisation dans un avion de ligne est importante car elle permet de réguler la température dans la cabine (à 30.000 pieds, il fait dans les -40 / -50 °C à l'extérieur et malgré l'isolation thermique de la cabine, il faut la chauffer pour éviter de retrouver des passagers congelés à l'atterrissage) mais elle participe aussi pleinement au renouvellement de l'air à l'intérieur de la cabine et à la pressurisation de celle-ci en la gonflant comme un ballon de baudruche (lire l'article précédent concernant la pressurisation d'un avion sur ce même blog).

Schéma climatisation biréacteur

A noter qu'un seul moteur est représenté sur le schéma ci-dessus, schéma qui représente un exemple de système de conditionnement d'air (très simplifié) sur un biréacteur. La flèche de couleur orangée au-dessus du point «C» symbolise donc l'air en provenance du second moteur et de l'«APU» («Auxilliary Power Unit», unité de puissance auxiliaire) qui ne sont pas représentés sur ce schéma. Cette dernière sert principalement à générer l'électricité lorsque l'avion est au sol (moteur coupé) mais aussi à fournir de l'air comprimé pour le démarrage des moteurs ou pour la climatisation.

Commençons donc par un bref aperçu du système de prélèvement d'air (comprimé et chaud) sur les moteurs (réacteurs) de l'avion, c'est-à-dire les points verts sur le schéma ci-dessus. La vanne «A» régule la pression de l'air prélevé sur un étage de compression du moteur. En montée ou en croisière, la vanne «B» est normalement fermée. Celle-ci n'est ouverte qu'en descente lorsque le moteur est au ralenti : il faut alors prélever de l'air sur un des derniers étages de compression du moteur pour avoir une pression suffisante à fournir au système de conditionnement de l'air (l'ouverture de cette vanne dégrade alors fortement le rendement du moteur). La vanne «C» est, par exemple, ouverte lors du démarrage des moteurs (afin d'envoyer de l'air comprimé vers le moteur à démarrer).

L'air comprimé (à environ 2,75 bars) et chaud (environ 250 °C) en provenance des moteurs arrive au système de conditionnement d'air au niveau des vannes «1» qui régule le flux d'air entrant dans des turbomachines «2» qui ont comme effet de détendre et de refroidir l'air à la température voulue. Cet air refroidi arrive alors dans une chambre de mélange «3» où il est brassé avec l'air provenant de la recirculation qui récupère l'air dans la cabine à l'aide des ventilateurs «6». L'air ressortant de la chambre de mélange «3» peut alors être réchauffé avec un peu d'air chaud en provenance des moteurs via les vannes «4», dites vannes de «trim air», avant d'être envoyé dans les différentes zones de la cabine «5». Il y a une vanne de «trim air» par zone de la cabine que l'on veut réguler de manière indépendante en température (par exemple, une vanne pour le cockpit, une pour l'avant de la cabine où est située la classe affaire et une pour la zone arrière de la cabine servant de «bétaillère» que l'on nomme plus prosaïquement «classe économique»). Grosso modo, la consigne de température la plus basse détermine la température de sortie des turbomachines et pour les zones où la consigne est un peu plus haute, le système ouvrira très légèrement les vannes de «trim air» correspondantes pour obtenir les températures voulues dans ces zones.

En vol, il est important de noter que les vannes «1» servent principalement à réguler le flux d'air entrant dans la cabine afin d'en assurer son renouvellement en air (et la pressurisation de la cabine) et cela de manière quasi-indépendante de la consigne de température voulue en cabine. Le fait de monter ou baisser la consigne de température en cabine n'implique donc pratiquement aucun changement sur la quantité d'air prélevée sur les moteurs et n'a donc quasiment aucune incidence sur la consommation en kérosène des moteurs. La consigne de température en cabine peut donc être augmentée sans réellement induire une dépense supplémentaire en carburant ! A la rigueur, ce qui pourrait faire consommer un peu plus de kérosène, c'est une énorme différence de consignes de température entre les différentes zones de la cabine (mais cela est minime car l'air arrivant par les vannes de «trim air» est dans les 250 °C, il en faut donc peu pour augmenter la température dans une zone donnée, par rapport à une autre).

Donc, messieurs les gestionnaires de compagnies aériennes, peut-être qu'en autorisant une consigne de température un poil plus haute en cabine, vous pourriez gagner quelques grammes sur les couvertures qui ne seraient plus si nécessaires. Et comme, moins de poids dans l'avion implique une traînée aérodynamique moins importante et donc une consommation en kérosène moindre, ça ferait des économies pour la compagnie... A vous de réfléchir ! Je suis certain que vous y avez déjà pensé mais je crains que vous ayez bêtement raisonné comme pour le chauffage de votre maison où vous pouvez baisser la température pour faire des économies, quitte à mettre un plus gros pull et des couvertures plus grosses sur votre lit (s'il vous plait, ne vous offusquez pas : la proportion de «managers» croyant avoir la science infuse et réfléchissant donc sur des raisonnements dignes de piliers de bar, n'est malheureusement pas nulle et cela me suffit pour justifier cette remarque, même si j'avoue que mes connaissances dans les systèmes de conditionnement d'air datent un peu, que ma mémoire n'est pas infaillible et que les systèmes ont évolué depuis, notamment sur des avions comme les B787 ou A350 ;-)).

Autre point : le gros défaut d'un tel système est que l'air servant à la climatisation de la cabine passe au travers de turbomachines qui délivrent un air détendu et donc très sec ! Les passagers se retrouvent donc relativement rapidement déshydratés, il leur faut donc boire pour éviter d'éventuels problèmes de santé (en plus, la pression à l'intérieur de la cabine étant relativement basse, il leur faut boire encore plus que d'habitude). Un système d'humidification de l'air permet d'éviter ce désagrément mais comme il n'est pas généralisé sur tous les avions de ligne, loin de là, on continue donc de se déshydrater en avion. Ce qui signifie pour un équipage soucieux du confort de ses passagers, des distributions fréquentes de boisson et cela sans aucun lien avec la consigne de température en cabine : ce n'est donc pas nécessaire de frigorifier les passagers dans l'espoir qu'ils boivent moins ! Pire, ayant froid, certains vont consommer de l'alcool pour essayer de se réchauffer, ils vont alors encore plus se déshydrater (la consommation d'alcool déshydrate le corps humain), reboire de l'alcool croyant se réhydrater et finir ivres... D'où un nouveau problème à gérer par l'équipage qui aurait pu être évité si la consigne de température en cabine avait été plus haute !

En conclusion, augmenter la température en cabine ne représente que des avantages : éviter que les passagers se caillent pendant le vol mais aussi permettre de faire des économies de carburant en embarquant des couvertures beaucoup plus légères (et ce n'est pas une proposition à prendre à la légère) ! Pour gagner du poids, certaines compagnies aériennes ont déjà retiré trois cacahuètes dans les sachets servis avec les boissons (ce n'est rien 3 cacahuètes en terme de poids mais une compagnie américaine a quand même économisé 300.000 dollars par an avec cette mesure), d'autres compagnies incitent les passagers à soulager leurs vessies juste avant d'embarquer (30 cl d'urine en moyenne par passager, soit un gain d'une centaine de kilos pour un avion tel qu'un A330 ou un B777) et enfin, une compagnie asiatique ne recrute plus que des hôtesses qui sont généralement plus légères que les stewards (les hôtesses pèseraient 20 kilos de moins en moyenne que les stewards, soit une économie de carburant de 500.000 dollars par an pour la compagnie aérienne ayant mis en place cette mesure). Alors comme il ne faut penser qu'à l'environnement, je crois qu'on pourrait carrément pousser la température en cabine vers les 28 °C, supprimer les couvertures et gagner énormément sur le poids des uniformes des hôtesses (qui seront forcément jeunes et minces sinon la mesure n'a plus aucun intérêt, cela va sans dire)... D'accord, je sais, c'est une conclusion sexiste (pitié, pas taper, je ne recommencerai plus, promis, juré, au moins jusqu'à la prochaine fois), mais sans remarque libidineuse, personne ne se souvient de mes articles. Là, au moins, je vais marquer les esprits et n'oublions pas que c'est pour le bien de la planète ;-) !

PS : A noter que si les membres d'équipage, hôtesses ou stewards, veulent s'amuser au départ d'un vol depuis une zone tropicale humide (genre Antilles), après que l'avion soit resté stationné quelques heures sous le soleil sans climatisation, ils peuvent mettre la consigne de température en cabine la plus basse possible, ils auront alors une forte probabilité de générer de la neige dans la cabine ! En fait, le phénomène est simple : comme l'avion est resté sous le soleil sans climatisation, le système d'air conditionné va pousser les turbomachines afin d'obtenir une température légèrement inférieure à 0 °C pour refroidir la cabine au plus vite. Cet air glacé est alors mélangé à l'air ambiant, chaud et humide des tropiques, provenant de la recirculation, entraînant la formation de cristaux de neige qui seront dispersés en cabine. J'ai déjà vu le phénomène, il ne faut pas s'attendre à faire un bonhomme de neige mais on voit clairement quelques petits flocons tomber dans la cabine ! C'est sympa, la neige sous les tropiques, non ?

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