L'homme qui ne rêvait pas d'une Rolex à 50 ans !

Article n° 102, publié le 16-Janvier-2016, par Christophe.
Catégorie(s) : réflexions diverses.

BD cravate 1

BD cravate 2

BD cravate 3

Costume trois pièces de couleur sombre et cravate pour les hommes ou tailleur stricte pour les femmes : ce sont ce que certains appellent le respect ! D'après eux, si on ne suit pas ce code vestimentaire (au bureau, ou lors de fêtes familiales comme un mariage), c'est le cahot, la fin de la civilisation française ou voire même carrément, la fin de l'Humanité (parce que, sans nul doute, avec la fin de la civilisation française, l'Humanité entière s'écroulerait ;-)). Si on ne porte pas de costume-cravate, on est différent du reste du troupeau d'ovins déguisés en croque-mort (seule la couleur de la cravate les différencie de véritables croque-morts), on est alors la brebis galleuse qui perturbe le troupeau car on le lui montre pas, de manière physique, qu'on appartient au troupeau ! Mais par contre, pourquoi tant de haine contre celui qui refuse la cravate ?

D'abord, décrivons ce qui est la norme, dirons-nous, française (bien qu'elle doit être identique dans les autres pays, à quelques nuances près, comme la manière de s'habiller ou le nombre d'enfants à avoir) : la société française admet que le jeune adulte a le devoir de mener une «vie de bohème» (mais pas trop tout de même) pendant ses études mais après, il doit entrer dans la vie active, devenir sérieux et montrer son respect en portant cravate et costume sombre (même si le port de la cravate n'a jamais rendu quelqu'un plus intelligent). Il va lui falloir se lever tôt le matin (ou le faire croire) pour aller au travail et y passer plus de 12 heures avant de se défouler dans des soirées tardives et branchées où il rencontrera l'âme sœur ! Et une fois en couple, les jeunes tourtereaux devront construire leur nid douillet (le mieux étant une maison ou un pavillon en pseudo-campagne avec un crédit éreintant sur 30 ans) et procréer, au minimum, un garçon ET une fille pour lesquels le couple devra tout sacrifier afin de garantir l'épanouissement et le bonheur de leur progéniture ! Il leur faudra alors une plus grande maison, une plus grosse voiture, des vacances au Club Med, la semaine au ski à Serre-Che, la Rolex au poignet pour les 50 ans, puis la maison secondaire à la Baule ou en Normandie pour accueillir les petits-enfants, etc, etc... Pour obtenir tout ça, il leur faudra travailler d'arrache-pied pour avoir de la promotion qui assurera un maximum d'argent (et une fois le poste ultime atteint, ils diront à qui veut l'entendre, qu'ils ne travaillent pas pour l'argent, bien évidemment) !

Ne rigolez pas ou/et ne protestez pas, c'est bien l'image de la famille française parfaite qui est communément admise par la société française (et donc aussi par la publicité qui nous renvoie cette image en pleine tronche) ! Pour preuve ? Qui n'a jamais dit à des jeunes mariés : «le premier, c'est pour quand ?» et à la première naissance : «il lui faudra bien un petit frère ou une petite sœur !» ? Au passage, même le corps médical participe à ce formatage : «Comment ça, vous ne voulez pas d'enfant ?», question posée sur un ton outré, en faisant totalement abstraction des moyens à mettre en œuvre pour arriver à une potentielle grossesse, comme un bourrage de diverses hormones faisant ressembler la «potentielle» mère à une baleine échouée sur une plage à cause des hormones qui lui auront fait prendre beaucoup trop de poids, lui bousillant la santé au passage (petit détail annexe, mais ils s'assurent aussi leur gagne-pain futur, pas fous les médecins)...

En aparté, je fais juste remarquer que beaucoup respectent la règle des deux enfants mais que, malheureusement, une proportion non nulle de parents est loin de tout sacrifier pour leurs enfants. S'il faut avoir des enfants pour être dans la norme, pour s'assurer une place honorable dans la société et donc ne pas se voir fermer des portes dans leur carrière professionnelle qui est bien plus importante que leurs enfants, ça ne pose aucun problème à certains de copuler. De toute façon, les nounous seront là pour élever leurs mioches ! Puis, il existe aussi la catégorie de parents pour qui «enfant = allocations familiales», sinon qui leur paierait leur bouteille de jaune et leurs clopes quotidiennes ? Et quand les mioches auront 16 ans, pas de problème, ils iront au boulot (lequel pourront-il trouver sans qualification ? Mystère !) pour ramener de l'argent aux parents ! La vie est un long fleuve tranquille pour ces deux catégories de parents (comme dirait Etienne Chatiliez) qui sont loin d'être des espèces en voie de disparition !

Il faut avouer que cette norme, ce moule du parfait petit Français, rassure tout le monde : qui se ressemble s'assemble, pas besoin d'en dire plus ! Quelqu'un qui pensera que vous fonctionnez sur le même modèle que lui, se rapprochera de vous, par besoin de sécurité, comme ses ancêtres préhistoriques, même si ce comportement ne permet pas forcément à l'espèce humaine d'évoluer (parfois en bien, ou parfois en mal). Ce qui est ennuyeux, c'est que cette norme fasse aussi le bonheur de politiques, c'est-à-dire ceux censés régir la vie de la communauté. En effet, il est plus facile pour un politique de prévoir les réactions des parents qui n'ont qu'un seul objectif : protéger leurs enfants et leur garantir un avenir meilleur ! Les parents ne manifesteront leur désaccord que si l'avenir de leurs enfants est en jeu, et ils seront prêts à suivre n'importe quels politiciens promettant un avenir meilleur pour leur progéniture, même si ces promesses ne sont que paroles en l'air ! Tandis que les personnes sans enfant n'ont pas cette obligation de protection de leur descendance, ils sont donc plus indépendants (financièrement, ils devraient logiquement avoir moins de problème que les géniteurs) et leurs votes sont donc moins captifs ou moins captables par un politique. Ces personnes sont donc ignorées par les politiciens de tous bords, à tord !

Cette norme, profondément ancrée dans l'inconscient collectif, ne me pose pas de problème (je ne vais pas me battre contre des moulins à vent, moulins qui ont une certaine utilité) et surtout, je ne veux empêcher personne de porter une cravate si ça lui fait plaisir, ou d'avoir des gamins ! Justement, je veux que tout le monde fasse ce qu'il a envie de faire, sans subir le jugement moral des autres qui, par contre, me pose problème car celui qui ne rentre pas dans ce moule du parfait petit Français est aussitôt jugé comme un paria ! Un couple avec un seul enfant : des parents égoïstes ! Ou pire, un couple sans enfant : parfois, j'ai le sentiment que certains nous prennent pour des bêtes immondes... Je sais que c'est humain, la différence fait peur, mais cela n'empêche qu'ouvrir son esprit de temps en temps, ça ne peut pas faire de mal ! Je ne demande pas l'impossible, juste le minimum :

1. Admettre que les couples sans enfant ne sont pas des parias égoïstes (zut, j'en demande déjà de trop pour certains) ! Ces couples participent aussi à l'avenir de la patrie et au bien-être des chers chérubins des autres : ils paient quand même plus d'impôts que les couples géniteurs qui bénéficient de demies parts supplémentaires pour leurs enfants, impôts qui servent à financer écoles, universités ou encore stades pour les enfants des autres ! Puis, il vaut mieux un couple sans enfant qu'un couple avec des enfants malheureux (ou un couple homosexuel avec des enfants heureux qu'un couple hétérosexuel avec des enfants malheureux, même si je ne comprends pas pourquoi les homosexuels veulent avoir des enfants, pour être dans la norme ?).

2. Admettre que personne n'est obligé de courir après une promotion au travail, c'est-à-dire avoir le poste où l'on porte le costume-cravate tout au long de la journée (mais dont la seule compétence «technique» requise est de savoir où se trouve le bouton «nouvelle diapositive» sous Powerpoint) et qui permet d'acheter l'Audi Q1 en complément du Q5 (ça marche aussi avec les modèles Mercédès ou BMW) ou d'acheter une maison de campagne de plus de 200 m² ou encore, d'acheter la grosse Rolex à 50 ans ! De toute façon, le système hiérarchique dans les entreprises est généralement pyramidal : tout le monde ne pourra pas être calife à la place du calife !

3. Admettre que des personnes puissent partir en vacances en dehors des congés scolaires : et oui, après le 4 janvier, des personnes peuvent partir au ski, ou sous le soleil des tropiques... C'est juste une remarque quant au commentaire idiot d'un journaliste de télévision qui tirait le bilan des vacances de Noël : d'après lui, dès la fin des vacances scolaires de Noël, les bons Français allaient tous quitter les stations de ski pour laisser la place aux touristes étrangers (ou peut-être même pire, à des égoïstes sans enfant, des êtres ignobles dont il vaut mieux taire le nom...).

Oui, je me suis juste énervé rien que pour ça, pour le point n° 3 (nous n'irons pas au ski pour les prochaines vacances scolaires de février). Je fais définitivement une croix sur le point n° 1, ça revient au même que de croire au père Noël. Quant au point n° 2, puisqu'il s'agit de préserver l'environnement (même le gouvernement japonais s'en est rendu compte après Fukushima, en demandant au personnel de bureau de ne plus porter de cravate afin de réduire la climatisation énergivore), je suis prêt à me sacrifier pour la planète, je renonce définitivement au port de la cravate ! D'ailleurs, pour cet acte de dévouement exceptionnel, je ne pourrais pas avoir des congés (payés) supplémentaires (bien sûr, à prendre en dehors des congés scolaires) ?

PS : Au passage, c'est amusant de voir comment, finalement, le divorce a bien été accepté par la société française, de voir comment les mentalités ont pu changer sur ce sujet en même pas 60 ans : les couples peuvent maintenant divorcer (parce que, quand on passe aussi tout son/ temps au travail, la vie de famille en prend un sacré coup dans la tronche), mais à condition de reformer un autre couple avec une tribu pleine d'enfants de pères et mères différents...

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